vendredi 21 décembre 2018

Sega, 17 ans de traversée du désert

Cette semaine, cela fait 17 ans, 8 mois et 20 jours que Sega a arrêté de fabriquer des consoles de jeu. C'est à dire que la marque a passé davantage de temps à ne concevoir que des jeux, qu'à concevoir jeux et consoles.

En 1940, l'Amérique décide de stationner des bataillons entiers à Hawaï. Comme on le voit au début du film Pearl Harbor, les soldats s'ennuient ferme. Trois investisseurs créent la société Standard Games. Elle installent des machines à sous dans les bases Américaines.
Après la guerre, c'est au Japon que l'Amérique déploie des soldats en masse. Standard Games y ouvre une filiale, Service Games (Sega.) En 1957, Rosen Entreprises ouvre lui des photomaton dans les bases militaires US. Service Games, qui a acquis son indépendance, rachète Rosen Entreprises. L'entreprise se diversifie. En 1968, elle lance son premier jeu d'arcade : Periscope.

Il y a une polémique autour de Periscope, car en 1967, Namco avait lancé un jeu identique baptisé... Periscope. Celui de Sega est-il un clone ou une production sous licence ?
Mais l'histoire n'est pas finie. Sega est racheté par Gulf+Western. L'entreprise se recentre sur les jeux d'arcades et investit le marché Américain. Mais ce n'est pas l'un des grands acteurs du marché.

A la fin des années 70, Sega s'offre Gremlins et il monte enfin en puissance. Avec Frogger (1981), il tient son premier hit. Puis c'est Zaxxon (1983), un shoot'em up en pseudo-3D et en couleur, deux innovations pour l'époque.
Néanmoins, aux USA, les salles d'arcades se désertent. On les accuse d'être tenue par la mafia, d'être des lieux de deal, de prostitution, etc.

Sega se réorganise et quitte brièvement le marché Américain. En 1983, il se lance dans les consoles avec la SG-1000. Les ventes sont supérieures aux prévisions. Pour autant, face à la Famicom de Nintendo, la SG-1000 existe à peine...
En 1985, comme son rival, Sega débarque au CES de Las Vegas. Son arme s'appelle la Master System, une évolution de la SG-1000. Et comme Nintendo, il privilégie la grande distribution, là où les autres constructeurs (Atari, Amiga, NEC...) restent fidèles aux boutiques d'informatique. Au même moment, les salles d'arcades retrouvent des couleurs. Sega peut donc capitaliser son image "arcade". Le catalogue de la Master System est donc composé de portages internes (Out Run, After Burner...), mais aussi de portages de jeux développés par d'autres, comme Vigilante.
Les parents sont inquiets face au déferlement des consoles de jeu et autres ordinateurs personnels. Comme au temps des salles d'arcades, des rumeurs sont maquillées en études scientifiques. Cette fois, elles leur font croire que ces machines grillent les neurones de leur bambins.
Nintendo fait tout pour les rassurer. Ses jeux sont "intelligents" voire "éducatifs".

Sega joue lui aussi l'apaisement. Mais la Master System est à la traine face à la NES. Il faut se différencier. Il lance la Mega Drive à noël 1988 (elle n'arriva en occident qu'en 1989.) C'est une console 16-bits, là où les NES et Master System sont du 8-bits. Surtout, le catalogue est orienté gamers. Là, où Nintendo cible les pré-ados, Sega vise les ados avec des jeux de tirs et de la baston. Pour ses pubs, on voit des punks se prendre une raclée ! On est loin du monde merveilleux de Mario...
Sega a trouvé son public. Nintendo vend davantage de consoles, mais il traine une image de marque bon enfant.
Sega plait davantage aux décideurs. Il peut multiplier les licences avec Disney ou un Michael Jackson au fait de sa gloire. Ayrton Senna parraine Super Monaco GP II. Sa McLaren se fait battre par les Williams ? Pas de problèmes, Sega sponsorise l'équipe rivale !

Il lui manquait une mascotte. Ce sera Sonic, le hérisson ultra-rapide.

Au début des années 90, Sega, N°2 mondial des jeux vidéos, est au fait de sa gloire.
Hélas, Sega s'avère incapable de préparer l'après-Mega Drive. La Game Gear, réponse maladroite à la Game Boy est lourde, chère et son autonomie est ridicule (à cause de l'écran couleur.) Le Sega-CD, à greffer sur une Mega Drive, n'apporte qu'un nombre limité de jeux. Idem pour la 32X, qui transforme la console en 32-bits.

Pendant ce temps, la Super NES et surtout, la Playstation (devenue par la suite PS1) débarquent...
En 1994, quelques mois (!) après le lancement de la 32X, Sega lance la Saturn. Il y a une grave crise chez le constructeur. Tous les cadres dirigeants démissionnent ou sont écartés.

La Saturn propose quelques jeux intéressants comme Virtua Fighter ou Daytona 500. Comme d'habitude, ils ont porté leurs bornes d'arcade. Néanmoins, Nintendo a vérouillé ses éditeurs tiers, avec des contrats d'exclusivité. D'où un catalogue limité. Quant à Sony, sa PS1 possède de meilleurs graphismes. En quelques années, il s'impose face au duopole historique Sega-Nintendo. Les fans ont migré.
En 1999, la Dreamcast débarque, afin de devancer la PS2. Pour réparer les erreurs de la Saturn, elle offre d'emblée une bibliothèque plus large. Sonic est remis en avant.

La production ne suit pas et la Dreamcast se retrouve en rupture de stock. Quant à ses jeux en ligne, personne ne les utilise (on en est encore aux modem 56k.) Puis en 2000, la PS2 apparait. C'est un tsunami.

En mars 2001, Sega produit sa dernière Dreamcast.
Dans les années 90, les PC deviennent assez performant pour pouvoir jouer dessus. Sega s'accroche au wagon, en proposant des portages PC de ses jeux. A l'arrêt de la Dreamcast, il devient exclusivement éditeurs de jeux. En 2003, la marque est rachetée par Sammy.

Mis à part Yakuza ou Bayonetta, Sega n'a guère marqué les esprits avec ses lancements. Il squatte surtout les boutiques en ligne de la PS3 et de la Xbox. Finalement, c'est avec l'ex-ennemi-intime Nintendo qu'il reprend des couleurs. Voir Sonic et Mario, ensemble dans un jeu, c'est tout simplement surréaliste !
Aujourd'hui, Sega est un acteur mineur des jeux vidéos. Il surfe surtout sur la nostalgie, avec de nouveaux Sonic et une Mega Drive Mini.